Assassin's Creed Valhalla, le scénario pour réconcilier les joueurs ?

 

( Retrouvez la version vidéo de cet article sur la chaîne Youtube )

Article du 19/05/2020. Il y a peu, a été officialisé par les développeurs d’Ubisoft Montréal la sortie de Assassin’s Creed Valhalla, prochain opus de la licence… Et depuis, force est de constater qu’il n’y a pas une journée où une nouvelle vidéo est publiée sur YouTube, qu’il s’agisse de regroupements d’informations ou de pseudos scoop sortis de sous le chapeau ! Il y a clairement actuellement une surenchère de communication autour de la licence et on le sent, la hype est bien là… ce qui pourrait même faire un peu beaucoup d’ailleurs… Mais alors, pourquoi relancer le sujet aujourd’hui ? Eh bien, c’est simple… parce que je suis comme vous : j’éprouve, moi aussi, l'envie de m’exprimer, de participer à cette effervescence autour de la licence. Et ce, d'autant plus, que la sortie de ce nouvel opus, que j’attends impatiemment depuis près de deux ans, approche !

Et puis, il faut dire que c’est aussi un prétexte pour moi d’aborder tous les sujets un peu polémiques qui entourent la licence depuis la sortie de Origins : les époques choisies, les nouvelles destinations, mais surtout le développement, très largement critiqué, des aspects RPG du gameplay.

Et enfin, parce qu’un article publié récemment sur jeuvidéo.com met en avant la volonté des développeurs, sur Valhalla, de placer la narration au cœur des mécaniques de jeu, ce qui pourrait être, selon moi, un début de réponse à toutes ces critiques.

Alors, l’évolution de la licence a-t-elle nui à l’expérience AC ? Ne pourrait-on pas placer la narration, non seulement au cœur du gameplay, mais aussi au cœur de l’innovation ? Et si oui, le scénario ne pourrait-il pas être l’élément qui réconcilierait TOUS les joueurs entre eux ? C’est ce que nous allons voir ensemble.


1 - L’esprit Assassin’s Creed

Mais avant tout, il faut préciser ce qu’est l’Essence d’un Assassin's Creed ; quel était l’esprit de la licence lors des premiers épisodes ? Et pour ça c’est assez simple, il suffit de lancer le trailer du premier opus… Tout y était défini.

On y voit un Assassin encagoulé évoluer dans une époque lointaine, se faufiler dans la foule jusqu’à un échafaud, se rapprocher de sa cible, bondir sur sa proie et s’enfuir par les toits dans une phase de parkours, avant de regagner la rue, et de nouveau s’évanouir dans la foule.  C’est ça l’esprit Assassin Creed : un assassin qui planifie ses actions, élimine ses cibles et s’enfuit… (avec également, bien sûr, quelques phases de combat). Et puis, il y a le lore : la méta histoire, et une lutte ancestrale entre deux ordres, deux philosophies qui s’opposent, influençant les éléments de l’Histoire avec un grand « H ».

 

2 - L’évolution de la licence

Depuis Origins, la licence AC s’appuie de plus en plus sur des mécaniques RPG… L’obligation de monter en niveau pour son personnage et ses armes, le niveau des ennemis plus élevé en fonction des zones parcourues, et surtout les compétences à développer. Et je dois avouer avoir largement partagé l’idée qu’en raison de ces évolutions de gameplay, les derniers opus n’étaient plus vraiment des Assassin’s Creed. Rendez-vous compte… on ne pouvait même plus one-shot ses cibles comme tout bon assassin qui se respecte ! Vraiment ?... On y reviendra.

Certains ont également parlé du fait que, désormais, le jeu poussait de plus en plus à s’engager dans des phases de corps à corps, favorisant un aspect plus... « rentre dedans » qu’infiltration, mais dans les faits ce n’est qu’en partie vraie… En réalité, si le corps à corps est sans doute plus évident, vous conservez une certaine liberté d’approche, le jeu vous offrant (la plupart du temps) la possibilité de varier vos méthodes. C’est d’ailleurs ce qu’ont apporté les nouvelles mécanique Rpg : la liberté !

Quant à la lame secrète, en développant les compétences adéquates, il est tout à fait possible de one-shot presque tous les ennemis assez rapidement.

Enfin, pour ce qui est de l’équipement que l’on peut trouver à foison dans l’environnement, là encore, c’est le même principe, c’est vrai que des armes de corps à corps très puissantes sont disponibles, mais libre à vous de les utiliser ou pas. Ça ne nuit en rien à l’approche furtive si vous souhaitez opter pour celle-ci dans les situations cruciales.

Pour moi, le problème est donc ailleurs et plutôt à aller chercher du côté de la construction des missions, de leur scénarisation, mais nous y reviendrons un peu plus tard.

Ensuite, concernant la période, l’époque ou les destinations choisies, je ne vois pas en quoi le cadre de l’Égypte ancienne, de la Grèce antique ou de l’Angleterre féodale nuirait à l’esprit de la licence…  Et ce n’est pas parce qu’on imagine aujourd’hui les vikings comme des barbares qui saccageaient et pillaient tout sur leur passage que cela empêchait un danois d’agir, quand la situation l’imposait, de manière plus discrète. D’infiltrer, de nuit, un camp ennemi pour éliminer les gardes et de créer une diversion afin d’éviter la perte inutiles d’hommes... Bien sûr, que les vikings aussi, en certaines occasions, pouvaient se montrer discrets ! Comme n’importe qui en fait.

 

4 - Des choix contradictoires

Il y a cependant quelques points qui me paraissent plus gênants pour conserver l’esprit de la licence… Tout d’abord les éléments de parkour, qui seront forcément plus spectaculaires dans une ville à la construction plus verticale comme Paris ou Londres que dans la Grèce antique.

Ensuite, concernant l’époque, le choix des développeurs, d’un point de vue narratif, de raconter l’origine de la confrérie, ce qui par essence, ne nous permettait pas d’incarner l’un de ses membres, est selon moi, bien plus dommageable. D’autant que l’ordre des Assassins est un élément dramatique fort… La possibilité d’intégrer un ordre ancestral et mystérieux, d’évoluer en son sein et d’agir pour une cause plus grande… C’est un leitmotiv fort qui a toujours beaucoup plu aux joueurs…  Mais bon, c’était le choix des développeurs. Et après tout, ce n’est pas parce qu’on ne fait pas partie d’une confrérie que l’on ne peut pas retrouver les codes de la licence, notamment en définissant ses propres cibles à assassiner. Le tout est de l’amener correctement dans le scénario, ce qui a d’ailleurs été plutôt bien fait avec Origins… et beaucoup moins bien avec Odyssey. Et pour cause ! Il n’y a, dans cet opus, aucun véritable lien avec la confrérie ; le personnage principal est un guerrier et ne sera jamais un assassin. Je parle là de l’écriture du personnage. La façon dont il a été développé : Il est trop loin historiquement des enjeux de la confrérie, et sa quête personnelle, comme sa nature propre, sont trop éloignés du crédo des Assassins.

Et il en va de même concernant l’opposition caractéristique des deux philosophies évoquées plus tôt, symbolisée dans les premiers jeux, par l’éternelle lutte entre templiers et assassins. Même si Origins a tenté de conserver une partie de cette ambivalence avec l’ordre des Anciens, on se retrouve malgré tout avec un jeu qui n’est plus équilibré par rapport aux codes de sa licence.

Ce que les points que l’on vient d’évoquer mettent en évidence c’est que si on a le sentiment aujourd’hui de s’éloigner de l’esprit de la franchise, ce sont peut-être moins les mécaniques de gameplay, que les choix des scénaristes qui en sont la cause. Ce sont donc aux développeurs de faire preuve de talent, dans la construction de leurs histoires, pour impliquer le joueur en tant qu’Assassin… Et quand je parle de l’histoire, je parle de l’histoire au sens large :... le scénario, Le lore, le traitement des personnages, mais aussi la scénarisation des missions.

Ce qui m’amène au dernier point gênant : la construction des missions, leur mise en scène. Celle-ci doit impérativement se faire dans une réflexion globale sur la façon d’offrir au joueur la meilleure expérience d’Assassin. Il faut recréer, dans les phases de jeu, ce qu’Ubisoft sait si bien faire dans les trailer. Et pour cela, narration et Game-design doivent être pensés de concert. Il faut apporter une tension dramatique à l’action, mais aussi offrir de la liberté face aux situations rencontrées, et apporter de la verticalité aux lieux ; proposer des positions plus élevées, des caches, ou des moyens de se faufiler jusqu’à sa cible, tout cela pour permettre des approches différentes…

 

3 - La narration pour réconcilier les joueurs

Lorsqu’on lit les déclarations des développeurs de Valhalla, on a le sentiment qu’ils ont bien intégré cette idée. Ils disent notamment, je les cite : qu’ « être capable d’explorer une nouvelle période historique du Moyen Âge dans une localisation différente ouvrait autant de possibilités narratives que de possibilités de gameplay. » Et plusieurs éléments montrent qu’ils ont vraiment pensé leur jeu de cette façon. 

En réalité, réaliser un assassin Creed à l’âge des vikings n’est pas plus compliqué que de faire un assassin Creed à l’époque de la renaissance ou du Moyen Âge, tout dépend donc du scénario et de la façon dont vous allez concilier les éléments de gameplay avec l’univers, le lore, et le scénario.  Ce qui est formidable lorsqu’on écrit une histoire c’est qu’on peut vraiment raconter ce que l’on veut, le tout est d’être cohérent, d’être crédible et, en l’occurrence pour AC, de coller aux codes de la licence.

N’importe qui peut devenir un assassin, ce n’est pas un souci, il faut juste arriver à l’expliquer dans le caractère du personnage, dans ses motivations et sa perception de l’univers. Il suffit de lui faire rencontrer les bons personnages, de le confronter à certains événements qui vont le marquer dans ses croyances ou ses choix. On associe le tout à des éléments de gameplay qui aboutiront à des situations dans l’esprit d’Assassin Creed et le tour est joué. Rien n’empêche un viking d’avoir une capuche, une lame d’assassin, d’être discret, de fondre sur ses proies et de devenir le prochain Altaïr.

C’est aux développeurs désormais de réaliser cela et qui sait, peut-être réussiront-ils à réconcilier tous les fans d’Assassin Creed.

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